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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Baudouin, quand il a reçu de Vallé l’ordre de poursuivre la Revision, a donc obéi, « parce que, procureur général, il n’avait qu’à obéir » ; mais l’erreur judiciaire ne lui paraît point « vraisemblable », le dossier lui donnera « très probablement les preuves irrécusables » de la culpabilité de Dreyfus ; déjà, il voit son double devoir : demander la revision dans son réquisitoire écrit, « parce que la plume est serve », la repousser à l’audience « où la parole est libre[1] ».

Et voici qu’il connaît à son tour les heures de « stupeur[2] » que Picquart a vécues le premier, il y a six ans, le soir où il a ouvert le dossier secret et en a connu le néant[3]. L’une après l’autre, « toutes les charges s’évanouissent », rien que « des hypothèses sans consistance », « des pièces misérables qui ne valent que par le mystère dont on les a entourées », des faux maladroits et cyniques ; et « l’impression effrayante », l’angoissante tristesse que « l’honneur et la vie des hommes peuvent dépendre de telles aberrations[4] ».

Baudouin poussa vigoureusement son travail. En moins d’un mois[5], il établit son réquisitoire, et, tout de suite, bien qu’on lui conseillât de « prendre une attitude expectante[6] », se déclara, cria sa conviction, noua fortement « tous les éléments du débat[7] ». — Puis Chambareaud confia le rapport au conseiller Boyer qui n’avait point pris part à la première revision et qui était entouré d’une grande estime pour

  1. Cass., IV, 59, Baudouin.
  2. « Laissez-moi vous dire ma stupeur croissante… »
  3. Voir t. II, 293.
  4. Cass., IV, 60, Baudouin.
  5. 25 décembre 1903. — 17 Janvier 1904.
  6. Cass., IV, 60, Baudouin.
  7. Ibid., 278 à 401.