Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/313

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L’ENQUÊTE


Du Paty, livré à Baudouin pendant trois séances[1], lui tint tête, tantôt souple et subtil, tantôt insolent et aussi plein de morgue, dans la profonde disgrâce où il était tombé, qu’aux jours lointains de sa prospérité.

Baudouin, qui s’attendait seulement de sa part à des divagations et à des mensonges, fut surpris de son audace. Du Paty, le prenant directement à partie, l’accuse d’avoir accepté des imputations « calomnieuses » (de Picquart et de Cuignet) contre lui, « dénaturé des textes » et « procédé par insinuations ». Baudouin, rudement, l’invite à mesurer ses paroles, à changer de ton, à respecter la justice. « Vous ne m’intimiderez pas », réplique Du Paty ; il respecte la justice, dit-il, et les

    lieu (5 mai 1904). Rochefort poursuivit alors Val-Carlos en diffamation devant la Cour d’assises de la Seine. Labori, qui avait accepté d’être l’avocat de Val-Carlos, demanda le sursis « jusqu’à l’issue du procès en revision Dreyfus » et contesta la compétence de la cour d’assises. Il développa ses conclusions dans une plaidoirie où il fit surtout le procès de Waldeck-Rousseau et des Dreyfus ; « À Rennes, dit-il, la famille de l’accusé, rassurée par un gouvernement qui, substituant sa responsabilité à celle de la défense, lui donnait des garanties qui n’ont pas été tenues, a reculé devant la vérité et refusé d’appeler à la barre ceux qui savaient la vérité. Je voulais qu’on citât tout le monde ; je disais : « Nous avons bouleversé le pays ; il faut maintenant toute la lumière ! » On ne l’a pas voulu. » Il se prononça ensuite contre la cassation sans renvoi. « Cette affaire ne peut se terminer ailleurs que devant la justice militaire. Ce qui se passe actuellement à la Cour de cassation, la façon mystérieuse de procéder, l’absence de confrontation, l’absence de publicité, l’absence de toute garantie, tout cela fait que, devant la justice militaire seule, cette affaire peut avoir une solution définitive, mais devant la justice militaire indépendante, sans intervention, cette fois, du gouvernement. » (Intransigeant du 1er  juillet 1904. — Ce compte rendu ne fut l’objet d’aucune rectification de Labori.) Après plaidoirie de Gautier-Rougeville pour Rochefort, et sur les conclusions du ministère public, la cour rejeta le sursis et se déclara compétente. Val-Carlos se pourvut en cassation. (30 juin 1904.)

  1. 22, 26 mars et 11 juin 1904.