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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


magistrats qui font leur devoir, mais il ne respecte pas « ceux qui ont commis des forfaitures ». « De qui parlez-vous ? — De Bertulus. » Quand Baudouin le presse, le ramène d’une poigne solide aux questions précises, qualifie ses allégations de « monstruosités[1] », il proteste qu’il ne se laissera pas traiter en accusé : « Je ne vous inculpe pas. — Mais poursuivez-moi donc, je ne demande que cela. »

Il s’était fait de son rôle dans l’Affaire une version complaisante qui ne manquait pourtant pas entièrement de vérité. Il est une victime de la discipline, de Gonse qui l’a envoyé au secours d’Esterhazy, surtout de Boisdeffre qui lui a imposé d’instruire contre Dreyfus. — Au moment où l’Affaire a commencé, sa situation militaire, comme il résulte de ses notes, était très brillante ; ainsi il n’avait nul motif, comme on l’a dit, de rechercher, pour se « remettre en selle[2] », l’ingrate mission ; il essaya, bien au contraire, de l’éviter. Boisdeffre, pour l’y décider, lui donna cette raison : « Il y a un danger… » ; alors il accepta, et ce fut le malheur de sa vie. S’il ne fut point le tortionnaire ni l’inquisiteur de la légende, il convient d’avoir été un juge sans expérience, mais il fut de bonne foi. « Nul acharnement contre Dreyfus. » Quand il eut échoué à lui arracher un aveu, il écrivit à Boisdeffre que son avis était « d’abandonner les poursuites[3] ». Sandherr, un peu plus

  1. Ainsi la lettre de Panizzardi sur P…, qui lui a apporté beaucoup de choses intéressantes, a été, selon Du Paty, falsifiée « récemment » au ministère de la Guerre. Quand il l’a vue, en 1898, elle portait un D et non un P. « Maintenant, on voit le P à l’œil nu. Donc, on l’a mis depuis. » La dépêche de Panizzardi, du 2 novembre, a été falsifiée au ministère des Affaires étrangères.
  2. Article de Picquart dans la Gazette de Lausanne du 1er  août 1903.
  3. Revision, I, 48, rapport Moras ; « Il faut rendre cette