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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


plus aisée, il ne s’en suit pas que la revision ne se serait pas faite sans l’amnistie. Il n’y aurait eu qu’à fouiller tout de suite aux bureaux de la Guerre ; on y trouvait, pour peu qu’on l’eût voulu, qu’on ne fermât pas les yeux de parti pris, les dossiers qui avaient été cachés à la Cour de cassation, qui n’avaient pas été envoyés à Rennes ; tout de suite, sans nos procès, on avait des faux nouveaux et le « fait nouveau ».

La revision, la réparation de l’injustice ne venaient qu’assez loin dans les préoccupations de Waldeck-Rousseau ; il s’assura seulement que l’amnistie ne porterait pas un préjudice irréparable à l’homme et il fit l’amnistie pour supprimer l’Affaire. L’Affaire supprimée, le gouvernement ressaisira toutes ses forces, le pays rentrera dans sa vie normale.

Grand et incontestable avantage, mais acheté à quel prix ?

Une fois de plus, le sophisme de la raison d’État se sera élevé contre le droit individuel ; la politique aura changé ou supprimé les juges ; la justice aura été réputée incompatible, d’abord avec l’honneur de l’armée, maintenant avec la paix morale du pays ; encore une fois, aux yeux de ce peuple dont le mal profond est le culte de la force, l’image du Droit aura été obscurcie et voilée.

IV

Du premier jour, l’opinion accueillit avec une faveur extrême la promesse de l’amnistie, l’annonce que le gouvernement s’opposerait à la reprise des procès, qu’il voulait le silence sur l’Affaire.