Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/322

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
312
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


sitions des témoins militaires diffèrent fort, celle de Cuignet exceptée, de leurs témoignages antérieurs. Cuignet, lui, est resté le même, ou plutôt il s’est enragé davantage encore dans l’adversité, intarissable, — pendant dix heures d’horloge, presque un dixième de toute l’enquête[1], — infaillible, accusant, avec le même air et sur le même ton furieux, les conseillers et le procureur général « d’avoir peur » de la vérité qu’il détient, la Chambre criminelle de 1899 d’avoir commis une forfaiture, livré à Tornielli sa déposition sur la dépêche de Panizzardi, Delcassé et l’Administration des postes d’avoir altéré le texte de la dépêche[2], les ambassadeurs de mentir, et, encore, André ou Targe d’avoir falsifié les pièces du dossier, celles qui sont présentées comme des faits nouveaux, les faux d’Henry[3]. — Baudouin, exaspéré par tant de folie ou de mauvaise foi, finit par lui dire que, s’il était ministre de la Guerre, il y

  1. Revision, II, 208, Baudouin.
  2. De même Du Paty : « Le texte a été falsifié au ministère des Affaires étrangères pour en substituer un autre… Le premier texte ne donnerait peut-être pas une preuve de culpabilité, mais le texte du second écarte complètement Dreyfus. » (11 juin 1904.)
  3. Selon Cuignet, l’annotation « 28 mars 1895 », inscrite sur la pièce dite du télémètre (Voir p. 257), ne serait pas de la main d’Henry. — Le 2 juillet 1904, il écrit à Lasies pour dénoncer « les falsifications dont le dossier secret a été l’objet depuis qu’il avait été entre ses mains ». (Chambre des députés, séance du 5 juillet 1904.) Il fallut qu’André, par arrêté du 10 juillet 1904, chargeât Chamoin, qui avait présenté le dossier secret à Rennes, d’en vérifier toutes les pièces. Chamoin, assisté des capitaines Hallouin et Moreau, procéda à ce travail et déclara que « toutes les pièces se présentaient dans l’état où elles se trouvaient en 1899, lors de leur production devant le conseil de guerre ». (Procès-verbal du 11 juillet 1904. — Revision, I, 581.) Autres lettres de Cuignet du 9 décembre 1904 au président du Conseil, du 1er  février 1906 au ministre de la Justice, etc : « La demande en revision est basée sur le mensonge et sur le faux. »