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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


n’insiste et chacun se fait modeste, garde des portes de sortie et pèse ses paroles. — Roget, sans rien du pourfendeur d’autrefois, rend hommage à la probité de Picquart accusé par lui, à Rennes, d’avoir « gaspillé » les fonds secrets et ne se souvient plus de lui avoir imputé le « grattage » du petit bleu. Billot « n’a attaché d’importance » à rien, ni au faux d’Henry, quand Boisdeffre ou Gonse le lui ont apporté, ni « à aucune autre pièce d’espionnage », ni au document libérateur. Zurlinden voudrait que la Cour demandât à l’Allemagne communication des notes du bordereau. Et Mercier lui-même, sous son front d’airain, n’a plus cette merveilleuse audace simpliste, n’est plus le chef imperturbable, le criminel presque parfait du procès de Rennes. Tout le temps, il se tient sur la défensive, se sentant vaincu d’avance s’il attaque, s’il risque quelque nouvelle imposture. Paralysé par la découverte de son affreux mensonge — qu’il avait mis, en 1894, au dossier secret la lettre « des chemins de fer », arrivée à l’État-Major en 1895, trois mois après son départ du ministère, — tout ce qu’il trouva à dire, ce fut « qu’il avait signalé aux juges que l’acte même de trahison n’avait pas été accompli » ; ainsi, l’erreur de date qu’il a commise n’a pu peser sur le vote du conseil de guerre ; « cela faisait seulement « une présomption en moins ». Mais il ne s’aventura pas à dire quelles étaient les preuves et les présomptions qui subsistaient, en dehors de l’« irréfutable » démonstration de Bertillon, et encore se refusa-t-il « à en prendre la responsabilité ».

N’ayant plus de preuves ni de faux. Mercier n’eut plus de témoins. Bertin se lamente ; « il a souffert dans sa conscience comme dans sa carrière ». Lauth, si âpre, si plein de fiel et de haine, ménage Picquart et se dégage d’Henry. Mercier reculant devant Baudouin, se