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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


cassé, qui invoquait la discipline, l’ordre précis de Pellieux qu’il n’avait point à discuter et dont un juge aussi averti que Bertulus, et devenu par la suite l’ami de Picquart, n’avait point paru surpris[1]. Tantôt André résistait à Clemenceau et à Picquart, parce que sa conscience lui faisait un devoir de couvrir l’officier diffamé, tantôt il leur cédait, parce qu’il redoutait la plume acérée de l’un et l’autorité morale de l’autre. Aussitôt que Ducassé était revenu de la campagne de Chine, où il avait dirigé le service des étapes, André l’avait inscrit d’office au tableau d’avancement pour le grade de colonel[2] ; puis, dans l’espace de quelques semaines, il le raya, le rétablit[3], et enfin le maintint, mais pour lui faire attendre son grade pendant près de trois ans[4]. C’était tout ce qu’avait voulu Picquart quand il avait protesté, dans sa lettre à André, contre « l’avancement exceptionnel qui permettait à Ducassé d’aspirer aux plus hautes situations de l’armée ». Ducassé, dont Picquart brisait ainsi l’avenir[5],

  1. André interrogea également Bertulus : « Une enquête bien faite acheva de me donner la conviction que, dans cette vilaine affaire, l’officier d’ordonnance du général de Pellieux n’avait été qu’un agent d’exécution, dans l’impossibilité de se soustraire aux ordres reçus. On m’objecta qu’il y a des ordres qu’un officier ne doit pas exécuter. J’étais absolument ennemi de cette manière de voir. » (André, dans le Matin du 10 juillet 1906. — Les souvenirs d’André, Cinq ans de ministère, ont paru d’abord dans le Matin ; l’incident Ducassé a disparu du volume.)
  2. Juin 1901.
  3. Juillet 1901.
  4. 30 mars 1904. — Cette inscription aurait dû faire passer Ducassé au grade de colonel au plus tard en décembre 1901. Ducassé avait été proposé, en outre, par le général Voyron, pour officier de la Légion d’honneur, avec le n° 1. Il ne fut nommé qu’en mai 1906. — Trente-cinq lieutenants-colonels furent nommés colonels avant lui, plus jeunes de grade que lui et qui n’avaient point ses services de guerre.
  5. Cour de Cassation, 9 mai 1904, Ducassé : « J’ai été person-