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L’ENQUÊTE


encore fermés, trop de consciences fermées, trop de tombeaux déjà fermés.

La Cour s’occupa en dernier lieu de Cernuski. Après avoir questionné inutilement Mercier, Roget, qui jurèrent ne rien savoir, avoir vu Cernuski pour la première fois à Rennes, elle avait remis l’affaire aux mains d’Atthalin qui l’aurait débrouillée jusqu’au dernier fil, si elle avait pu l’être. C’était le caractère le plus droit, l’esprit le moins aventureux et le plus clair, respectueux autant qu’on peut l’être des formes de la justice, ne donnant comme certain que ce qui l’était en effet et qui lui avait été démontré par cent preuves. Ces qualités et la réputation qu’il s’était acquise dans les parquets avant de monter à la Cour le firent désigner pour cette enquête particulièrement difficile et délicate ; il la mena avec beaucoup d’habileté, et sans rien de cette passion qui défigure tout et qui n’est nulle part plus redoutable que dans les choses de la justice, où elle dessert surtout la justice.

On n’a pas oublié que, dès les premiers jours qui suivirent le procès de Rennes, j’avais recherché les preuves du faux témoignage de Cernuski, et que j’eus tout de suite la protestation du professeur Mosetig contre le rôle que lui avait attribué le misérable[1]. Son démenti fut recueilli, un peu plus tard, à la requête de Dreyfus, selon les formes juridiques usitées en Autriche[2]. L’autre Mosetig, le complice de Przyborowski, dont l’arrestation à Vienne avait si fort troublé les officiers du bureau des Renseignements à l’époque du procès de Rennes[3], et qui avait été condamné,

  1. Voir p. 6.
  2. Procès-verbal du 7 novembre 1899, dressé par le docteur Émile Frischauer, avocat-avoué, (Enquête.)
  3. Voir t. V, 469.