Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/395

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
385
LA REVISION


dans le faux témoignage de Cernuski à Rennes), qui permît d’expliquer les falsifications d’écriture de Dautriche et les opérations de Mareschal et de François. « Jusqu’à quel point ces officiers étaient-ils coupables ? » Rabier accusait la fièvre contagieuse de l’Affaire, l’air empesté du fameux bureau, d’où la folie avait fait sortir déjà tant d’étranges aberrations, et le métier même imposé à ces soldats, avec tout ce qu’il comportait professionnellement de basses compromissions et d’accommodements périlleux avec l’honneur. « Ainsi, écrivait-il, si jamais la loi d’oubli et de pardon votée par les Chambres a lieu d’être appliquée », c’est bien dans ce douloureux procès. Il a cherché à montrer que les faits allégués sont « constants », mais ces faits tombent sous le coup de la loi d’amnistie ; il en requiert en conséquence le bénéfice pour les accusés.

C’était encore la défaite ; elle était inévitable ; mais ce n’était pas la fuite et ni les officiers ni leurs avocats[1], pour certains qu’ils fussent de l’acquittement, n’abordaient sans émotion cette dernière rencontre[2].

André commanda la fuite. Impulsif et incohérent d’un bout à l’autre de cette affaire qu’il avait témérairement engagée et brutalement conduite, troublé, ce jour-là, jusqu’au désarroi par le scandale de « l’affaire des fiches » qui venait d’éclater[3], il envoya à Rabier l’ordre le plus extravagant[4]. C’était d’abandonner l’accusation, non point parce que les débats en auraient révélé l’insuffisance ou en raison de l’amnistie couvrant

  1. Auffray et Louis Rollin pour Dautriche, Alpy et Colin de Verdière pour Rollin, Henri Bonnet et Gaston Lacoin pour Mareschal, Chenu et Bazile pour François.
  2. « Je me vois encore tout enfiévré de l’attente… » (Auffray, Affaire Dautriche, 14).
  3. Voir p. 402.
  4. 7 novembre 1904, dixième audience.
25