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LA REVISION


Juges et témoins, accusés et avocats, et tout le public s’attendaient à l’abandon de l’accusation, mais pas à cela. La surprise, indignation chez les uns, joie chez les autres, fut profonde. Les avocats, d’abord, renoncent simplement à la parole, puis, se ravisant, demandent une suspension d’audience. Bertin, qui avait présidé ces longs et confus débats avec une haute et forte impartialité, ne cacha point son étonnement[1]. On suspend l’audience. Les avocats rédigent une déclaration, dont l’un d’eux (Auffray) donne lecture à la reprise ; elle constate la ruine de l’accusation, l’effondrement du procès qui n’a eu d’autre objet que de chercher un fait nouveau « pour une cause deux fois perdue déjà ». Les officiers prononcent quelques paroles vibrantes. Leur conscience a été toujours tranquille, des « angoisses terribles » leur ont été imposées. « Jamais, dit Dautriche, j’en ai tant souffert. » « Mes tortures, dit Rollin, je les offre à la France et à la République. »

Le verdict n’était plus qu’une formalité. À l’unanimité, sur les neuf questions posées aux juges, les accusés sont reconnus non-coupables. Acquittement général[2]. Les officiers rentrent dans leurs régiments, y sont reçus en vainqueurs[3].

    position orale, il a été donné lecture de ma déposition écrite devant le capitaine rapporteur ; la comparaison des textes de ces deux dépositions fait nettement ressortir leur similitude, quant au sens même de mes déclarations. Si les termes employés ne sont pas rigoureusement les mêmes, on ne saurait s’en étonner, si l’on veut bien considérer que l’un de ces documents a été rédigé, à tête reposée, dans le cabinet du capitaine rapporteur, tandis que l’autre est constitué par des réponses verbales. »

  1. Procès Dautriche, 692, Bertin.
  2. Ibid., 696 à 698 ; Auffray, loc. cit., 18.
  3. Gribelin et Dautriche furent déplacés peu après (à l’État-Major du commandant de la place forte et du port de Brest et à l’État-Major du 7e corps). Gribelin prit sa retraite. Rollin fut