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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Dure défaite pour André, non moins dure, disons-le, et non moins méritée pour ceux des partisans de Dreyfus qui avaient suivi André dans l’aventure, ne s’étaient point inquiétés de l’arbitraire grimé en justice. Mais la politique avait tout envahi et il en suffit d’une goutte dans la conscience, comme d’un virus dans l’organisme, pour l’empoisonner.

Au cours de l’instruction du procès des quatre officiers, un autre acte d’André, révélé par la presse de droite, fut traité d’abord de fable par les journaux de gauche[1], puis, quand André en eut fait l’aveu, amnistié par le « bloc ».

Cuignet, son temps de mise en non-activité achevé, était rentré au service, mais à peine calmé. Sa comparution devant la Chambre criminelle ralluma ses colères, toute la manie soupçonneuse de ce cerveau fumeux, hypnotisé par l’Affaire. Il écrivit à André qu’il avait été insulté par le Procureur général et qu’il allait porter une plainte en faux contre le lieutenant-colonel Bourdeaux, sous-chef du cabinet du ministre, pour avoir relaté inexactement, dans un procès-verbal communiqué à la Cour, un entretien qu’ils avaient eu[2]. Ces lettres, sans être injurieuses, étaient de ce ton âpre et hargneux qu’affectait Cuignet. André, qui n’avait qu’à lui infliger quelques jours d’arrêt, imagina « de le faire visiter et contre-visiter au point de vue mental » par le service de santé[3].

    mis à la retraite d’office, après l’arrêt de Revision, en raison de son témoignage de Rennes (1er septembre 1906).

  1. Action du 3 juillet 1904 : « Telle est la fable que nous servent les feuilles des faussaires. » De même le Radical, l’Humanité, la Petite République, etc.
  2. Lettres du 23 mai et du 8 juin 1904. (Chambre des députés séance du 5 juillet.)
  3. Lettre du 18 juin 1904 au commandant du XIe corps d’ar-