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LA REVISION


dré avait chargé principalement de tenir à jour ses registres et de confectionner les fiches, était franc-maçon[1]. Le sénateur Desmons l’aboucha avec le secrétaire général du Grand-Orient[2]. Vadecard accepta, sans hésiter, d’envoyer une circulaire à toutes ses loges ; il leur demanda de le renseigner, « au point de vue philosophique et politique », sur les officiers des corps de troupes qui se trouvaient dans leur ville[3]. Et bientôt les fiches affluèrent — 25.000 en quatre ans — les unes véridiques, rédigées par des informateurs sincères, mais qui n’auraient jamais dû se prêter à telle besogne, les autres fournies par des sectaires du dernier ordre, par d’anciens officiers qui satisfaisaient des rancunes ou, encore, par des fournisseurs, bouchers, boulangers et épiciers, qui jugeaient le client[4]. Et tout cela enflait « Carthage » et « Corinthe »[5], passait sur les feuillets des officiers retardait où avançait des soldats dans leur carrière.

« Le travail imposé gratuitement au secrétaire général du Grand-Orient était considérable[6]. »

  1. Mollin, L’affaire des Fiches, 76 :« J’étais, au cabinet du ministre, le seul officier maçon à cette époque. »
  2. Ibid, 77.
  3. Lettre du 20 juillet 1901 : « Très cher F.·., je vous serais très obligé de vouloir bien nous faire parvenir les renseignements dont il est question dans la note ci-jointe. Vous nous rendriez service… Veuillez agréer, C.·. F.·., nos remerciements et l’expression de mes sentiments frat.·. dévoués. » Note : « Pourrait-on avoir des renseignements très complets et très détaillés au point de vue politique et philosophique sur tous les officiers supérieurs et généraux, commandants, lieutenants-colonels, colonels et généraux de… ? »
  4. Quelques francs-maçons refusèrent de faire les enquêtes qu’on leur demandait : « Je n’ai ni le loisir, ni le goût, écrivait le journaliste Jougla, de faire des enquêtes sur les officiers de la garnison de Périgueux. » (9 novembre 1901.)
  5. Mollin, Ibid., 76 et 95.
  6. Ibid., 92.