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LA REVISION


la mauvaise foi certaine et la corruption de cœur de leurs coreligionnaires d’hier ; mais il en veut, comme d’un crime de plus, à Mercier et aux associés de Mercier de l’avoir, si longtemps, abusé et trompé par tant « d’ignominies[1] » et de faux. Or, c’est l’état d’esprit de tous les détrompés, d’année en année plus nombreux ; la vérité, presque à leur insu, s’est infiltrée en eux ; leur cerveau s’est guéri du mensonge, insensiblement, dans une atmosphère plus calme, comme un organisme ravagé reprend la santé et la force dans un air plus tiède et plus pur ; d’autres encore se sont persuadés de l’innocence du capitaine juif, depuis que la roue de la fortune a tourné et qu’ils ont vu les promoteurs de la revision, l’un après l’autre, rentrer dans les assemblées, monter au pouvoir et aux honneurs. Brisson à nouveau président de la Chambre, Clemenceau ministre, sont des arguments qui valent les appels de Duclaux à la raison ou de Zola à la pitié.

Baudouin, avec son argumentation passionnée, son manque d’indulgence, sa haine récente, toute fraîche, est la voix de ces retardataires qui se pressent, de cette immense arrière-garde qui rejoint la petite armée victorieuse.

Il a persisté dans son paradoxe du bordereau « par ordre », de la trahison fictive, d’ailleurs pour se contredire ensuite et se réfuter lui-même. Il montre, en effet, Esterhazy dans son emploi d’espion actif ; Lajoux et Cuers l’ont signalé ; dès que paraît le fac-similé de la lettre qui lui aurait été dictée par Sandherr, le misérable s’affole ; dès que Scheurer-Kestner menace Billot, il supplie Schwarzkoppen d’intervenir, d’affirmer à Mme Dreyfus la culpabilité de son mari, sinon il se brû-

  1. Revision, I, 598, Baudouin.