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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


lera sur place la cervelle[1]. Mais presque tout le reste du réquisitoire est solide, bâti de bons matériaux, d’une certitude parfois excessive, mais fortement cimentée. Baudouin a saisi Mercier, Gonse, Cuignet, d’une poigne de paysan, qui ne lâche pas ; il perce à jour Du Paty et Bertillon, déshonore définitivement le lot de comparses, officiers ou journalistes, qui vont au devant des basses complaisances et tiennent toujours un mensonge tout prêt. S’il se dégage du procès Dautriche[2], il refuse de dire avec Moras[3] que le faux témoignage de Cernuski n’a pas été machiné au bureau des Renseignements, et, sans tout accepter de Przyborowski et des Wessel, croit, avec Voltaire, que « l’infamie même n’empêche pas qu’on ait pu bien voir et bien entendre[4] »

Son tort le plus sérieux fut envers le colonel Guérin qu’il accusa de déloyauté sans assez de réflexion, puis, par entêtement, refusant de se dédire[5]. — Guérin,

  1. Revision, II, 60, Baudouin. — Ces contradictions sont relevées par Esterhazy dans sa lettre, du 8 juillet 1906, à Drumont. (Libre Parole du 10.) « Après avoir expliqué, d’abord, comment ma déposition devant le consul général de France avait tous les caractères de la vérité, Baudouin déclare que je suis l’auteur de tous les actes criminels reprochés à Dreyfus et qu’ils s’appliquent tous à moi. L’autre jour, il établissait que j’étais un agent du colonel Sandherr ; aujourd’hui, je suis le traître, et tout s’applique à moi. ». Il est tout au moins certain qu’il n’a pas beaucoup de suite dans les idées. Après avoir reconnu que tout tend à justifier mes affirmations, il reprend le lendemain, la thèse opposée, agrémentée d’injures grossières. » — Voir p. 78 et 452.
  2. Revision, II, 141, Baudouin. (Il a signalé à André les aveux de Dautriche sur l’inscription en interligne dans le relevé des comptes individuels, mais c’était « le devoir de sa charge ». De Rollin, de François et de Mareschal, « il n’a pas dit un mot ».)
  3. Revision, I, 300, Moras.
  4. Ibid., II, 128, Baudouin.
  5. Ibid., I, 483, Baudouin.