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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Le comte de Munster a compris qu’il convenait qu’il s’adressât au Président du Conseil pour demander, par son intermédiaire, à être reçu par moi.

J’ai relu le premier paragraphe du texte du télégramme Hohenlohe et déclaré à mon interlocuteur que je lui dirais la vérité sur l’incident. J’ai, en lisant, souligné le mot impliqué et lui dis que rien de ce que j’avais à lui communiquer n’impliquait, dans l’affaire Dreyfus, l’ambassade d’Allemagne.

Cet officier était pour plusieurs motifs l’objet de soupçons. On le surveillait. Entre temps, le Gouvernement a reçu publication d’une pièce anonyme provenant, il en a la certitude, de l’ambassade d’Allemagne.

Le comte de Munster m’interrompt pour me dire qu’il n’est pas possible que le document vienne de l’ambassade. Il a interrogé tout le monde et est certain qu’aucune pièce n’a pu nous être remise, qui vînt de l’ambassade. Il reconnaît qu’on y reçoit un grand nombre de lettres et de documents sans importance ; mais un document important n’a pu être distrait.

Il est, ai-je répondu, fort possible que le document qu’on a établi émaner du capitaine Dreyfus (c’était alors ma pensée) n’ait pas été jugé important et qu’on l’ai jeté ou laissé sur une table. Quelle qu’en ait été l’importance ou la valeur, il suffisait pour établir la culpabilité de Dreyfus : mais nous ne rendons pas plus l’ambassade d’Allemagne responsable des papiers qu’elle reçoit que le Gouvernement impérial ne peut nous rendre responsable des papiers qu’on nous apporte. La pièce entre nos mains, le Gouvernement n’a eu qu’un souci : faire condamner un traître sans mettre en cause l’ambassade, qui n’était pas en cause, et c’est pour éviter toute imprudence de langage, même de la part de la défense, que le huis clos a été ordonné.

Tels sont les éclaircissements que, d’accord avec le Président du Conseil, je puis donner, et je crois avoir ainsi répondu à l’appel qui était adressé à ma loyauté. C’est ce qu’on espérait de moi et je veux croire que cela suffit.