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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Attendu que l’accusation, alors, changeant de système, reporta vers la fin d’août la date présumée du bordereau et soutint que Dreyfus avait dû fournir des renseignements secrets ou confidentiels sur des travaux de l’État-major postérieurs au mois de juillet ; qu’elle ajouta que, si en réalité il n’était pas allé aux manœuvres de septembre, il avait pu, jusqu’à la fin d’août, croire qu’il y irait ;

Attendu qu’ainsi l’accusation reposait sur des hypothèses et des conjectures, nécessairement contestables, puisque dans l’ignorance où l’on était de la teneur des notes envoyées à l’agent A, on n’était pas à même d’en apprécier la valeur, ni d’en déterminer avec certitude la provenance ;

Attendu, d’ailleurs, que le bordereau commençait par ces mots : « Sans nouvelles m’indiquant que vous désirez me voir, je vous adresse cependant, monsieur, quelques renseignements intéressants » ; mais que, si l’auteur était un capitaine d’artillerie breveté, stagiaire de deuxième année à l’état-major général, on ne concevait pas que l’agent A fût si peu empressé à lui donner de ses nouvelles ; que la phrase s’expliquait au contraire si elle émanait d’un simple officier d’infanterie répondant au signalement de celui qui, plus tard, à Bâle, fut, d’après l’enquête de 1899, énoncé au commandant Henry comme ayant, en 1893 ou 1894, fourni à l’étranger des renseignements de si peu d’importance qu’on avait fini par le remercier ;

Attendu, en outre, qu’il est incontestable qu’avant l’arrestation de Dreyfus avaient été commis des actes de trahison ou d’espionnage dont on ne peut le rendre responsable, — que deux employés civils Boutonnet et Greiner, avaient été condamnés, l’un à cinq ans de prison, en 1890, l’autre à vingt ans de travaux forcés, en 1892 ;

Que, d’un autre côté, d’après la pièce 371 du dossier secret, l’agent B…, en 1894, recevait d’un informateur dont le nom commence par la lettre P. « beaucoup de choses très intéressantes » ; que, d’après la pièce 83. l’agent A…, en décembre 1895, était renseigné sur l’attri-