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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


peu moins de 300 au candidat républicain, Riom, ancien maire de Nantes, qui se savait battu d’avance, mais qui s’était porté pour l’honneur (28 janvier 1900).

Le nombre des sénateurs à remplacer s’élevait à 99 ; 95 républicains furent élus ou réélus, parmi lesquels Freycinet, Poirrier, Jean Dupuy, Demôle, Cordelet, Barbey, Thézard ; mais trois des sénateurs sortants qui avaient pris parti ouvertement pour Dreyfus, Ranc à Paris, Thévenet dans le Rhône, Siegfried dans la Seine-Inférieure, échouèrent devant le suffrage restreint, comme Jaurès et moi nous avions échoué devant le suffrage universel. Ce fut le fait caractéristique du scrutin et la leçon ne fut point perdue pour les députés.

IX

Le Sénat, constitué en Haute-Cour pour l’affaire du Complot, siégea du 9 novembre au 4 janvier, pendant quarante-sept audiences.

Malgré la dure fatigue et l’ingrate besogne, il ne se produisit aucune défaillance.

Le « plan[1] » des accusés nationalistes se dessina du premier jour : donner aux membres de la Haute-Cour physionomie d’hommes de parti, d’« exécuteurs », et, pour cela, lasser leur patience par le vacarme et l’injure. Comme l’avocat Falateuf eût voulu prendre sa tâche au sérieux, Déroulède lui dit que ce serait peine perdue : « Pas d’illusions ; vous ne serez pas devant un tribunal ; nous entrons dans une porcherie. Leur passer la main

  1. Barrès, Scènes et Doctrines du Nationalisme, 151.