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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

VII

Le dossier secret, c’était la victoire de l’accusation. Quel tribunal militaire résisterait à la parole du ministre de la Guerre, affirmant la culpabilité d’un juif, deux fois traître, espion aux gages à la fois de l’Allemagne et de l’Italie ? Le mystère même de l’ordre le rendra plus impératif. Pièces bizarres, étranges, inexplicables. Mais à quel soldat viendra l’idée que, faussement, devant la justice, le chef de l’armée en puisse accabler un innocent ?

Du Paty fut chargé d’en rédiger, en collaboration avec Sandherr, le commentaire[1]. Il le définit ainsi lui-même : « Une note destinée à établir la concordance entre ces pièces », c’est-à-dire, en effet, à les rendre toutes applicables à Dreyfus.

Il n’avait su cacher ni à Picquart ni à Boucher ses inquiétudes[2]. Il ne sut pas cacher davantage sa joie de la victoire. Il leur dit que des recherches avaient été faites au bureau des renseignements, que « des pièces écrasantes pour Dreyfus y avaient été trouvées[3] », que la partie était gagnée. Il n’hésita même pas à en donner une indication sommaire, les dénaturant d’ailleurs, affirmant qu’il en résultait à l’évidence que les exigences de Dreyfus à l’égard de ses employeurs avaient été folles[4]. — C’est ainsi qu’il traduisait la lettre

  1. Cass., I, 442, 43 ; II, 36 ; Rennes, III, 511, Du Paty.
  2. Cass., I, 127 ; Rennes, I, 378 ; Picquart.
  3. Ibid.
  4. Cass., I, 141, Picquart.