bouts de fil à la place des galons, d’abord devant les régiments ; puis, devant la grille d’où la foule aura, pendant un moment, la vision de ce cadavre qui marche ; puis, devant le groupe des journalistes, des invités, des officiers de réserve et de territoriale ; enfin, devant les recrues.
Et pendant tout le tour du vaste carré, il crie son innocence[1], marchant d’un pas toujours plus assuré, comme à la manœuvre, du même pas cadencé que les canonniers qui l’escortent[2], et sans baisser les yeux[3], sans que son front se courbe ou que le rouge de la honte y monte[4], sans qu’un muscle tressaille[5].
Les soldats, en armes, se taisent ; mais la foule, d’une fureur exaspérée, aboie toujours à la mort ; et quand, arrivé devant la grille, face à face avec le peuple, il suspend un instant sa marche pour crier encore : « Je suis innocent ! Vive la France ! », un remous terrible se produit. Les agents s’épuisent à maintenir cette masse qui se rue vers la cour de l’École, pousse la grille, comme pour se précipiter dans l’arène et faire, dit un témoin, « plus prompte et plus rationnelle justice de l’infâme[6] ». L’impitoyable anathème remplit l’air : « À mort ! à mort[7] ! »
Il fait demi-tour à droite, et de nouveau ralentit sa marche devant les représentants de la presse. Le sinistre dialogue reprend. Les yeux droits, la tête en ar-