Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/304

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Toute vérité n’est pas bonne à dire, car dite seule et isolée, elle peut conduire à l’erreur et à de fausses conséquences ; mais toutes les vérités seraient bonnes à dire, si on les disait ensemble, et si l’on avait une égale facilité de les persuader toutes à la fois.

Savez-vous, en effet, d’où vient qu’il y en a de pernicieuses ? C’est qu’elles ne sont pas offertes à l’esprit avec celles qui pourraient leur servir de contrepoison. Aussi n’est-il sage de dire une vérité aux hommes que lorsqu’on peut leur en dire deux. Tant qu’on n’en a trouvé qu’une, il faut la tenir en réserve, et attendre que la vérité, sa compagne, vienne, en s’unissant à elle, produire l’utilité. Imitons cette intelligence amie des hommes qui, ayant, dit-on, imaginé le vin, ne voulut le leur faire connaître qu’après avoir aussi imaginé l’eau destinée à le tempérer. Si nous faisons quelque découverte, ne la communiquons aux autres que lorsque nous pourrons leur offrir ensemble l’eau et le vin de la vérité.

Si ce qui est rigoureusement vrai, comme