Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/236

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· 228 de le voir corrigé. Cependant il la perdra, des qu' il verra son sort fixé. M. de La Harpe et M. Ducis vous diront ce qu’ils pen- sent de son talent qu’ils connaissent , et que je connais mieux qu’eux , parce qu’il ne leur a montré que ses ou- vrages , et qu’il m’a fait voir plus d’une fois tout son génie. Il sera certainement- un des plus grands poetes que notre siecle ait prodiiits, et on peut le regarder comme un homme destiné a faire , un jour, le plus grand honneur a son pays. Quoique le Verger soit un poemen tres-agréable , il ne faut pas le juger par le Verger; comme il ne faudrait pas juger la voix de mademoiselle C*** par une ariette , quoiqu’elle chante les ariettes a merveille. Elle est faite pour les grands airs , et lui pour · les grands sujets. Il fait les vers comme elle chante. C’est la l’époux qui lui conviendrait. Si j’ai bien su l’appré- cier, en eifet, il lui faut pour mari un homme célebre; et I · sn je connais bien les bommes célebres qui existent en ce moment, M. de Fontanes est le plus digne d’elle , et le seul qui soit propre a remplir parfaitement toutes vos vues. ‘ Il est jeune; il est aux portes de l’Académie; il a deja de la gloire , et son mérite est de cette espece verte et . robuste qui ne fait que croitre avec le temps. Enle ma- riant , en lui donnant de la fortune et une fille char- mante , propre a entretenir en lui un perpétuel enchan- tement , vous rendriez un grand service aux beaux arts . et a la France : vous hateriez Pachévement d’un grand homme. Il faut que les grands talents , pour acquérir leur maturité , aient été battus par l’adversité passée , et qu’ils soient favorisés par la prospérité présente. Ce sont la leurs vents et leur soleil. Digiiizeo by Gccglc