Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/304

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296 a dit le siecle. Notre ami a été créé et mis au jour tout expres pour les circonstances. Dites-lui de remplir son sort et d’agir selon son instinct. Qu’il file la soie de son sein; qu’il pétrisse son propre miel ; qu’il ehante son pro- pre ramage; il a son arbre, sa ruche et son trou : qu’a-t-il besoin d’appeler la tant de ressources étrangeres? Je le reprends, au reste, et je le blame avec une grande _ defiance de moi-méme. Je sais que, dans le travail, on est quelquefois arrété par des scrupules, des curiosités, méme par de vains caprices qu’il est plus utile et‘plus aisé de satisfaire que de vaincre. Mais je sais aussi combien se- rait quelquefois profitable un bon avertissement qui vien- drait a propos, et je vous charge de lui faire part du mien. S’il vous dit qu’il y aurait bien des choses a dire la-des- sus , répondez-lui qu’il y aurait aussi bien des choses it répliquer a ce qu’il répondrait. J ’ai lu ce petit Villeterque. Ce Desmahis de la philoso- phie est, en critique, un moueberon. Il a en elfet, comme une mouche, une petite trompe a l’aide de laquelle il goute a ce qui est exquis. Mais , quand les excellences ont une certaine étendue en toutes dimensions, et une sorte de so- lidité, il ne peut pas y pénétrer, et il murmure. Si tous ses gouts se ressemblent , il aime le sucre; mais je suis sur qu’il n’en use qu’en poudre ou fondu , et qu’il ne l’a jamais croqué en morceaux. Il a aime Atala, parce qu’il y a de l’onctueux a la surface; mais le serpent, qui est plus parfait ,. tout taillé en cubes , dans sa forme , tout marbre ou or, dans sa matiere, il l’a trouvé trop dur. Je suis las , et je n’écrirai pas a M. de Chateaubriand , comme je me l’étais propose. Je n’ai d’ailleurs que deux mots essentiels a lui dire; les voici; ne les lisez pas. Digiiized by Gccgle