Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/373

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365 _ gure. Il ne part pas et ne reviendra pas ce que la portiére l’a cru; mais il reviendra riche de beaux sentiments et de belles imaginations, dont il agrandira son mérite, sa ré- putation et la place qu’il occupe dans les esprits. En tous cas, il en aura toujours une immense et des plus élevées dans le cceur de ses amis, quoiqu’il ne se ménage guére pour eux, et qu’ils soient tous en droit de lui faire bien des reprocbes. Ecoutez la fin de ceci. Il m’a écrit trois fois. Par sa premiere lettre , écrite de Lyon , il m’apprenait qu’a Nevers on l`avait jeté dans la Loire. A cela il n’y a rien a dire: on n’est pas response- bie du fait d’autrui, fut-on noyé. Mais il me dit dans la seconde, écrite de Turin, qu’il a pensé étre brulé , et ici c’eut été sa faute. Concevez, s’il vous est possible, l’excés de fureur oh je suis entré, enli- sant les détails que je vais écrire. Et d’abord, il parait que le jour de sou départ de Lyon, il voulut aussi partir tard et'voyager la nuit : sans cela que ferait-on d’une dormeuse'? Il paralt encore que, dans la matinée, il eut du loisir comme a Paris, et que, ne sa- chant qu’en faire, et par la pure horreur du vide, il se mit · a charger ses armes. Entendez bien que ce fut toujours en cachette, et par un passe—temps ignoré de tout autre que lui : je vous en ai dit la raison. Tout cela présupposé,` voici quel fut et surtout quel risqua d’étre l’événement. t Il part. Au moment oh la voiture arrivait sur la place Bellecour, un de ses pistolets prend feu sur son repos; au bruit de l’explosion, madame de Chateaubriand s’éva— nouit; les chevaux s’arrétent; tout le monde accourt et les environne. On descend; personne, grace au ciel, n’est blessé; madame de Chateaubriand revient a elle, et déja on se félicite d’avoir échappé au péril, quand tout a coup Digiiized by Gccgle