Page:Jouffret - De Hugo à Mistral, 1902.djvu/31

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à un diapason singulièrement élevé, et plus tard de la fureur des passions politiques qui ont toujours été très violentes en France depuis la Révolution. Le réquisitoire le plus étendu est celui qui a été dressé par M. Edmond Biré, mais comme beaucoup de réquisitoires, il a été inspiré par la passion, et c’est à peine si ses conclusions haineuses ont été confirmées sur un ou deux points de détail.

Aujourd’hui toutes ces passions, littéraires et politiques, commencent à s’apaiser. Voyons quels sont les jugements portés par les jeunes.

J’ai le regret de trouver dans l’Histoire de la littérature française de mon camarade Lanson, ouvrage d’ailleurs excellent, d’une information étendue, et d’un jugement généralement sûr, — j’ai, dis-je, le regret de trouver, sur Victor Hugo (p. 1027), la phrase suivante :

« L’homme, moralement, est assez médiocre : immensément vaniteux, toujours quêtant l’admiration du monde, toujours occupé de l’effet, et capable de toutes les petitesses pour se grandir, n’ayant ni crainte ni sens du ridicule, rancunier impitoyablement contre tous ceux qui ont une fois piqué son moi superbe et bouffi, point homme du monde malgré cette politesse méticuleuse qui fut une de ses affectations, grand artiste avec une âme très bourgeoise, laborieux, rangé, serré, peuple surtout par une certaine grossièreté de tempérament, par l’épaisse jovialité et par la colère brutale, charmé du calembour, et débordant en injures : nature, somme toute, vulgaire et forte, où l’égoïsme intempérant domine.

V. Hugo est peu sensible. Il a la sensibilité des orgueilleux, cette irritabilité du moi hypertrophié, que tous ses ennemis ont sentie. Il n’est pas tendre… il se plaît trop à regarder l’amour de la femme comme un chien à ses pieds.»

Même note, mais plus discrète, chez M. René Doumic.

« Il semble avoir eu un fond de bonté très réelle.