Page:Jouffret - De Hugo à Mistral, 1902.djvu/33

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d’elle une conscience plus grande sont inscrits dans la suite de leur pensées. ... Et les puissants cerveaux individuels nous pouvons les réunir dans une sorte de cerveau général, d’une force d’expression inouïe, et qui, depuis que l’homme est debout, jette généreusement à l’humanité des flots de verbe lumineux, grâce auxquels le moiide n’est pas entièrement obscur.»

Mais chez ces êtres d’exception, le développement exceptionnel de la personnalité entraîne des déformations morales surprenantes, l’orgueil d’abord, la sécheresse de cœur ensuite.

« Ils ne comprennent pas que je suis supérieur aux autres, qu’il y a pour moi un autre but, une autre morale, que les cadres grossiers transitoires de la vie humaine et sociale craquent quand il s’agit de Malauve…

Quels que fussent ses ennemis, ses embarras, ses tristesses, il se réfugiait dans cette citadelle, et du sommet des remparts jetait sur la tête des assaillants du dédain bouillant et du mépris fondu… Il ne doutait jamais de lui. Chaque mot tombé de sa plume était un diamant. La dernière œuvre, toujours parfaite, pouvait seule vaincre en perfection les œuvres antérieures. Au reste, le succès lui donnait raison. Sans cesse au théâtre, au livre, dans des brochures, depuis ses premiers essais, il avait été continuellement heureux. Et la réussite était le terrain où pouvait le mieux s’épanouir cette magnifique végétation cérébrale. Elle y trouvait un engrais nouveau, un intarissable élan.»

Voici maintenant pour la sécheresse de cœur :

« Assez sensible tout d’abord, tendre avec sa mère, et prompt à s’apitoyer, il vit peu-à-peu sa sensibilité décroître. À force de se répéter : Je suis le plus grand de tous, il en arrivait à considérer comme monstrueux tout ce qui pouvait entraver le libre essor de son génie… Les êtres qui lui tenaient le plus au cœur pouvaient disparaître: ils n’entameraient pas ses conceptions, n’emporteraient point une partie