Page:Jouffret - De Hugo à Mistral, 1902.djvu/85

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c’est encore Coppée. Nous le retrouvons partout, dans toute son œuvre ; et comme rien de ce qui le touche ne nous est indifférent, nous sommes au courant de tout ce qui se passe dans son âme. Nous avons appris récemment que notre poète avait traversé une douloureuse crise de maladie, et qu’au isortir de cette « bonne souffrance» il avait été touché de la grâce : la conversion religieuse de Fr. Coppée est assurément l’un des événements les plus importants de sa vie intérieure. « Conversion » est peut-être un terme trop fort, car Coppée n’a jamais été un impie ni un athée. Mais il a eu une jeunesse un peu orageuse, et dans l’emportement de sa sensualité, il a pu oublier les préceptes de la religion. Le voici maintenant au seuil de la vieillesse, et notre poète, désabusé, guéri de ses faiblesses, tourne un regard fervent vers la croix consolatrice… c’est l’histoire de plus d’un grand esprit, et je n’ai pas l’intention d’en faire un crime à notre poète. Je crois même qu’à étudier de près toute son œuvre, on trouverait un peu partout, même dans les périodes en apparence les plus sceptiques et les plus désordonnées de son existence, un petit coin de mysticisme où se cache le germe religieux que nous avons vu récemment éclore et fleurir.

Ne nous plaignons pas que le moi de Coppée tienne une si large place dans ses écrits. C’est ce moi, parfois invisible et toujours présent, qui leur donne la vie et en fait l’unité. Qui donc a dit que le moi est haïssable ? Eh bien ! il n’y a pas à dire : le moi de Coppée non seulement n’est pas haïssable, mais il est charmant. On l’aime pour sa candeur, sa naïveté, son sentimentalisme gracieux, — on l’aime pour son esprit de famille, pour l’affection qu’il témoigne à son père, à sa maman, à ses sœurs, — et l’on sent bien que ses sentiments sont sincères, qu’il n’y a là ni pose ni affection, et que l’homme nous dévoile simplement son cœur. On l’aime parce qu’il aime son pays, — d’abord ce Paris dont il connaît les moindres coins, et dont