Page:Jouin - Jean Gigoux, 1895.djvu/35

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Je commence par vous remercier Monsieur, de l’honneur que vous voulez bien me faire, mais j’ai toujours pensé que les traits d’un auteur de vaudevilles ne valaient pas la peine d’être montrés au public qui, je crois, s’en inquiète fort peu. C’est dans cette idée que jusqu’à présent je n’ai jamais voulu faire faire mon portrait. J’ai refusé des amis intimes à moi, lithographes, peintres ou sculpteurs qui, comme vous, Monsieur, avaient la bonté de me le demander, et vous l’accorder maintenant serait pour eux un procédé peu obligeant dont leur amitié aurait droit de s’offenser.

Si Dorine avait pu lire cette lettres, elle n’eût point manqué de dire :

Qu’il soit ou non poli, un refus n’a qu’un nom.

La suscription de la lettre d’Eugène Scribe mérite d’être relevée :

À Monsieur Gigoux, éditeur de l’Artiste.

C’est ainsi que le collaborateur de Ricourt est trahi par ses propres correspondants.

Gigoux est plus heureux avec George Sand. Il est vrai que Gustave Planche est dans le complot et c’est le critique déjà redouté de la Revue des Deux Mondes qui écrit en ces termes pleins de mystère :

Mon cher ami, je vous enverrai demain mardi à midi la personne dont je vous ai parlé pour le portrait à la mine de plomb. Si vous ne me faites rien dire dans la journée, je croirai que vous êtes chez vous à l’heure indiquée.

On ne peut rien souhaiter de moins compromettant que ce billet pour l’auteur de Rose et Blanche et d’Indiana.

Mais le Salon de 1833 nous talonne et Gigoux se propose d’envoyer au Musée Royal les portraits lithographiés des Johannot, d’Antonin Moine, de Delacroix, de Delaroche, de Sigalon. Ces artistes se succèdent dans l’atelier du peintre où ils rencontrent de temps à autre le lieutenant-général Josef Dwernicki et le comte palatin, général en chef de la garde nationale de Pologne, Antoine Ostrowski.

L’histoire de ces grands proscrits est connue. Dwernicki est à jamais célèbre par la défaite du général Geismar à Stoczek, du général Krentz à Nova-Wies, le ravitaillement du fort, de Zamosc et la victoire de Boremel remportée sur le général Rüdiger dont les troupes égalaient quatre fois en nombre celles de Dwernicki.