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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

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Mae Serin — avec laquelle nous causons, appelle l’endroit où j’écris, la salle d’innocence, parce que c’est là qu’on a ar- rangé le reposoir. Pour le moment, ce reposoir n’est qu’en planches avec quelques arbustes. Cependant un magnifique cœur rouge et or se balance au-dessus, soutenu par des fils invisibles. J’aimerais mieux une croix.

Décidément, aujourd’hui, je suis en veine d’écrire mon jour- nal. Jé crois que c’est parce que mon cahier diminue et que j’ai hâte de le finir encore plus vite pour en avoir un autre. D’abord voici quelques livres que je viens de lire : Une erreur judiciaire, par Henri Conscience ; La Vie réelle (Me Bourdon), une histoire pendant 70, je m’en suis engouée : La Belle Ni- vernaise, de Daudet, charmant comme tout ce qu’il fait. C’est Marguerite qui m’a prêté ces livres ; j’en ai quatre à moi : Mie de la Seiglière, Perdue, La fille de Dosta et la Neuvaine de Colette, tous ravissants,

Je viens d’aller passer plusieurs jours à Lardy où les Sallerin ont un magnifique château ; j’en ai rapporté un peu trop d’amour pour le luxe, mais ça m’est passé maintenant. Nous avons fait des promenades en voiture, nous avons vu de vieux châteaux, moi qui les aime tant ; puis un bois de cent hectares dans lequel il y a un pavillon de chasse et qui appartient aux Sallerin. Puis le jour de notre départ, on a pêché dans la rivière qui se promène dans le jardin, une pêche magnifique.

A la maison, je jouais au Solitaire — je ne l’ai pas réussi une seule fois — je regardais Les images de la France Illustrée, dans laquelle il y a un portrait de M. Poidloue et un fragment du discours que tonton Charles a prononcé à ses obsèques et qui finit par ces mots : « Adieu, Poïdloue, adieu mon vieil ami, que Dieu donne à ton âme le repos qu’elle a si bien mérité. » J’aime mieux ceux-ci prononcés devant le cercueil du général de Sonis par un de ses camarades, « Adieu, Sonis, mais non ! dans ma foi chrétienne, je te dis au revoir. » J’ai aussi lu, à l’apprendre par cœur, De la Terre à la Lune. J’oubliais de noter une autre excursion, la visite d’une vieille église de village : St-Sulpice — c’est un monument historique. Malheureusement