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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

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ne la porte pas dans mon cœur, aussi ai-je réfléchi que je ré- pondais à son sourire comme si je l’aimais — j’ai trouvé que c’était hypocrite, et je ne l’ai plus regardée. Elle s’en est aper- çue et maman m’a dit de recommencer à lui dire bonjour. C’était au déjeuner que je devais faire cet acte d’héroïsme : comme elle ne me souriait plus et que je ne voulais pas faire le premier pas, j’attendais, me promettant après déjeuner d’aller à elle et de lui dire d’un air assez singulier : « Bonjour, Made- moiselle. » Heureusement la postulante a servi de trait d’union à nos regards. Nous avons regardé en même temps quel plat elle portait, et les deux nuages chargés d’électricité se rencon- trant ont produit l’éclair.

Revenons à la 1re Communion d’Henriette. Après les Vé- pres, la Procession ; mais avant Vêpres, j’avais été goûter avec Henriette ; il y avait de très bons gâteaux ; nous avons beau- coup ri, parce que, au moment de boire pour finir, nous nous sommes aperçues que nous n’avions pas fait le signe de croix, et alors, vite, vite, nous l’avons fait disant : « mieux vaut tard que jamais ». La religieuse qui rentrait dans la classe où nous étions — celle où les premières communiantes se tiennent pendant la retraite — a ri comme nous ; nous nous oubliions tellement qu’une sœur converse a été obligée de venir nous dire de nous dépêcher car nous étions tout juste pour les Vêpres.

La procession était charmante, bien plus en ordre que celle- ci. Les Joly y étaient ; il y avait à côté de moi une ancienne élève de Ste Clotilde qui ressemblait énormément à Mme Tal- pomba. Nous avons suivi une grande allée bordée de pla- tanes. À droite et à gauche, des champs de roses et de vio- lettes, çà et là quelques palmiers et, tout au fond, derrière le reposoir, un rideau d’eucalyptus. :

Je ne sais pas à quel moment on a dû dire le compliment à Monseigneur ; c’est une dame qui l’avait fait et la seconde par- tie devait se dire en présentant Henriette et Madeleine et disant au nom de ma filleule : « Quand cette enfant vient te dire j’ai cinq ans et ma mère est au ciel, tu sais mettre dans son cœur Dieu et l’amour maternel. » On en a donné une copie à