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mon oncle ; après cela, il y a eu moins de monde ; mon oncle s’est promené avec un aumônier. La supérieure et l’économe allaient des uns aux autres ; on a donné à Henriette son cachet, il porte nom et dates imprimés. Elle a encore un souvenir de sa zre Communion, un cahier lithographié je crois, de prières et de cantiques. Toutes les élèves en ont. Après cela, chacun s’en fut coucher. J’ai eu de la peine à faire ce récit, car comme je l’ai déjà fait à Fernande, ce n’était pas bien intéressant.

Pour mon malheur, je lis peu de poésies ; cependant à Lardy, j’ai découvert cinq vers de Lamartine, oh ! qui sont délicieux, il est rare que je puisse lire du Lamartine sans être émue : les voici ; c’est dans la Gondole :

Ainsi tout change, ainsi tout passe Ainsi nous-mêmes nous passons, Hélas ! sans laisser plus de trace Que cette barque où nous glissons Sur cette mer où tout s’efface !

Cependant, nous demeurerons toujours dans le cœur de ceux qui nous auront aimés ; il est vrai qu’eux à leur tour passeront ; mais alors que notre souvenir soit gardé ou non ici-bas, dans la mémoire des indifférents, qu’est-ce que cela nous importera ? Nous passerons du cœur dans la mémoire, de la mémoire dans l’oubli, et les cercles qui se seront formés au-dessus du gouffre qui nous aura engloutis seront remplacés par un calme plat.

Vendredi 21 juin.

J’ai fini bien mélancoliquement mon journal hier soir ; mais c’était le soir et il me fait souvent cet effet-Ià. Je n’ai à peu près rien à dire aujourd’hui si ce n’est que tout à l’heure dans le jardin, je me suis bourrée de groseilles et j’aurais fait la même chose de cerises si j’avais pu les attraper ; mais elles étaient trop hautes. Je suis allée rue Bonaparte,