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ANNÉE 1889

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voyaient par les oreilles avant de se voir par les yeux ! »

L’éducation est déjà une belle chose, combien plus lors- qu’elle s’adresse à des êtres qui sans vous n’en recevraient ja- mais. Si la fortune venait à me manquer, je serais institutrice aux sourds-muets.

En lisant le Récit d’une Sœur j’ai trouvé cette pensée qui peut s’appliquer à la fin de mon journal de jeudi : « Que c’est une douce immortalité que celle qui commence ici-bas dans le cœur de ceux que nous aimons ! »

Lundi 24 juin.

Je lis avec énormément d’intérêt le Récit d’une Sœur. Oh ! la vie de famille, la vie de famille avec ses joies, même avec ses douleurs, comme je l’aime !

Levée à 7 heures, après une interminable toilette, descendue au jardin ; lu un chapitre de l’Évangile ; fait de l’anglais, écrit à Henriette, déjeuné, remonté ; lu, écrit ce journal que je vais laisser pour faire des visites.

Hier, je me suis endormie tard, mais c’est que j’ai médité de la musique et que cela m’exalte et que je ne puis plus dor- mir. Autrefois, dans mon lit, je me faisais jouer des histoires ; maintenant, je me chante en dedans mes airs préférés et je crois que ça me donne un peu de fièvre, mais ça m’est égal, c’est si agréable. Voici surtout ce que je médite : l’Adieu, le Lac, de vieux airs du temps de Louis XIV, la romance de Cha- ’teaubriand et un air que j’ai peut-être inventé : j’avais vu dans le Récit d’une Sœur ces deux vers, commencement d’une romance que je n’ai jamais entendue :

” Ton souvenir est toujours là O toi qui ne peux plus m’entendre.

et je me suis imaginé l’air sur lequel ils pourraient être et je les médite tout le temps ; et puis, je pense aussi à la mélodie de Meyerbeer, Guide au bord ta nacelle, d’abord parce que je