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ANNÉE 1889

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Quand je pense que j’ai 14 ans, c’est insensé d’être vieille à ce point et dire que Fernande va en avoir 16 ! Enfin. j’aime mieux ne pas m’appesantir sur la rapidité du temps, cela porte à la mélancolie ; je l’aime assez chez les autres, mais pas chez moi. J’ai bien hâte de réavoir mes livres d’étude : mon esprit s’endort un peu. Pendant le mois que j’ai passé à Montpellier, il allait si bien ! Je n’ai pas le droit de laisser baisser mon in- telligence ; Dieu m’a confié son talent, je dois le faire fructifier. La parabole du figuier stérile est une de celles qui m’ont le plus frappée ; celle des Vierges folles aussi. Par conséquent, je dois me les appliquer et travailler de toutes mes forces. Cependant, en travaillant, le devoir accompli n’est pas la seule récompense que j’espère. J’ai beaucoup de vanité envers moi-même et je tiens à me savoir instruite, D’ailleurs je me sens du goût pour tout même pour la grammaire et l’arithmétique.

Dieu, que j’écris mal, j’en suis désespérée, je gâche tous mes cahiers de copies et j’en suis réduite à apprendre par cœur tout ce qui me plaît.

Il fait mauvais aujourd’hui, il ne pleut pas, mais il y a beau- coup de vent ; c’est un de mes temps préférés, car c’est singu- lier, ce sont les temps splendides qui me plaisent le moins.

Aujourd’hui, il y a des nuages très blancs dont le tour est, éblouissant, puis d’autres très gris : on ne voit pas un coin de bleu. Cela me rappelle la Bretagne. Cette chère Bretagnel Je : ne l’aime jamais plus que lorsque je n’y suis pas. Je suis per- suadée que l’Angleterre me plairait admirablement, y compris les brouillards londoniens.

Je viens de finir un livre intitulé Nouveaux anneaux de la chaîne de Marguerites. Ce n’est pas tout à fait aussi joli que lé commencement, mais cela ne m’a pas empêchée de dévorer les deux volumes en deux jours. Malheureusement, on ne parle plus de Norman que j’aimais tant et la pauvre Ethel reste vieille fille, Puis, il y a un effleurement de guerre entre Fran- Gais et Anglais ; j’avais beau tâcher de retourner les nationa- lités, c’est-à-dire me figurer que les May étaient Français, j’ai été sur le point de laisser mon livre. Pour la réalité, je suis ex-