Page:Journal (Lenéru, 1945).pdf/213

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
209
ANNÉE 1900

ANNÉE 1900 209

conception. Oui, la toile retracera et me jettera au visage cette grimace de moquerie ou de douleur qu’on appelle le rire, et quiconque la verra, homme ou femme, pour peu qu’il ait un chagrin dans sa vie « comprendra son langage, comme dit le poète, et sentira devant elle la solidarité du désespoir ».

Ses se ea 2e ce où de 16 oué 2 de NN Gi à de 5

Le bonheur ne vaut pas la peine qu’il coûte, la peine d’at- tendre. Il est probable que la vie me réserve des heures plus acceptables, mais si belle, si lavée que soit la coupe dans 1a- quelle on a pris une drogue…

Je vis complètement seule, C’est un mal, maïs qui rend de plus en plus difficile sur le goût de son remède, Je sors seule par les rues désertes, et je vais à mes terrasses m’enfermer à double tour entre ciel et eau. Assise sous mon ombrelle, je re- garde le ciel, la côte et la rade et puis je marche longtemps régulièrement, une des choses qui me font le plus de bien, le « spaciement » des chartreux.

Mardi 17 avril.

Et déjà nous repartons. Je ne fais pas une allusion à ce dé- part. J’ai horreur de ce qui termine, clôt une période, nous fait assister au glissement du présent dans le passé.

Je n’ai rien fait de ce que je voulais faire. Je ne saurai donc faire acte de décision et de persévérance que dans les projets et les études qui ne me servent à rien ? Je lis désespérément ce qui est détestable. — Non, non, pas comme Amiel, n’être bonne qu’à écrire son journal toute sa viel

Ne pas faire quelque chose qui puisse être jugé supérieur par des êtres supérieurs, c’est ce que je ne me pardonnerais pas.

10 avril.

Je vais mieux, mes yeux sont mieux. Si loin encore d’être de bons yeux, ils me rendent tant de choses ! Cela n’eût rien été de n’être que sourde.

JOURNAL DE MARIE LENÉRU 14