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SL JUUVRNAL DE MARIE LENERU

16 mat.

Oh !… Est-ce que cela va durer longtemps comme ça ? Depuis mon retour du Trez-Hir en octobre, quand.j’arrivais bien décidée à me voir grandir tous les jours, plus de sept mois, et rien de prêt, rien d’à peu près bâclé !

17 mai,

Comment écrirais-je un roman, moi qui n’en ai jamais rêvé pour moi ? L’héroïne d’une idylie me sera toujours étrangère. Je n’arrive pas à travailler. J’éprouve un scrupule à sortir de moi-même, je devine qu’il s’y passe des choses plus intéres- santes, plus graves, plus absorbantes.

19 mai.

Y voir ! Je mesure mes progrès à ma respiration, pour voir de combien elle est plus large. Et puis je me demande s’il y en a bien pour un an d’existence, car c’est avec toute ma jeunesse que je paie mes yeux.

Jeudi 24 mai.

En allant à la messe pour l’Ascension dans les petits che- mins, le long des parcs, jaquette marine luisante comme une peau de phoque, cravate Robespierre éblouissante, je me sen- tais légère, relevant ma robe qui s’enlevait comme rien dans le glissement facile des dessous de taffetas, découvrant mes hautes bottes serrées et longues.

Me rendant compte de l’état des chemins, d’élément ambigu, je me retourne et sers à ces dames l’expression franc-comtoise qu’on vient de m’apprendre et qui fait mon bonheur : Ah ! nous allons #ripper dans le gowillat ! Ces dames rient et moi aussi. Alors un remous furieux : Oh ! Seigneur, pouvoir être gaiel que