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ANNÉE 1900

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chaque minute, même fiévreuse, de ses millièmes d’oisiveté.. Ce serait l’éternité en profondeur.

Je suis poursuivie par cette idée de perfectionner l’instant, de débarrasser chaque particule d’existence de cette loi de pesanteur, qui fait que la paresse « usurpe sur toutes nos actions », nos pensées, nos vibrations, nos ondulations de tou- tes sortes et que, d’un bout à l’autre, nous dormons la viel

L’incurie humaine… ce qui m’aura le plus étonnée sur la terre, Personne ne semble ému de laisser dans la mort tant de possibles qui nous effleurent, nous éventent de leur fuite, qui pourraient être nous, le plus beau de nous-mêmes et qui ne seront jamais.

Il n’y a dans la vie que ce qu’on met dans l’instant. Nous sommes trop lents, il faut apprendre à vivre à poids égal dans un mouvement de plus en plus rapide, pour voir jusqu’où cela ira… « Je la veulx étendre en poids, je veux arrester la promp- titude de sa fuyte par la promptitude de ma saisie et par la vigueur de l’usage compenser la hastifveté de son écoulement… A mesure que la possession de vivre est plus courte, il me la faut rendre plus profonde et plus pleine. »

Est-ce tout ce que je souhaite à la veille de mes 25 ans ? Non, et les choses intérieures ne suffisent pas plus que les autres. Elles ne sont pas plus sérieuses. On peut en avoir un peu plus d’orgueil, c’est leur aigre supériorité.

Résolutions :

Je lirai moins. Je méditerai tous les jours ici sur moi-même, ce sera l’examen de conscience.

J’écrirai tous les jours dès que je serai au Trez-Hir, 3 heures de matinée, par hygiène, pour me fouiller complètement.

Avoir toujours, pour y mordre au besoin, un philosophe ou un savant quelconque, toujours des mémoires et tous les poètes. Quelque chose d’anglais, d’allemand, de latin, d’italien.

Pratiquer beaucoup les délais fixes.

Ajourner mes achèvements sans sursis.