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tt SE LONLNU

J’aime les livres qui d’un bout à l’autre semblent parlés à mi-voix. Sinon, c’est le tambour public.

J’ai en moi une illusion, sinon de liberté, au moins d’indif- férence, qui est ma plus grande résistance au déterminisme.

Dimanche 12 août.

Nous ne nous faisons à rien, l’habitude ne nous facilite rien, le temps ne répare pas. Les répercussions de tout mal sont infinies, nos pertes absolues, Seulement nous sommes distraits, inintelligents, étourdis comme des singes, trop grossiers pour souffrir autant que nous le devrions. Nous nous consolons par erreur.

On a beau être si fortement trempé de gaieté qu’on se croit imperméable, la tristesse gagne lentement. Je vais mieux et le retour de la lumière ne m’apporte pas de joie. Je suis plus triste que l’année dernière, qu’il ya cinq ans, qu’il y a dix ans quand en pleine surprise de catastrophe.

Par moments je me secoue : Enfin que me faut-il ? Je suis de bonne volonté, je ne demande qu’à ne plus faire de tragédie, et pour rien au monde je ne voudrais de la vie de ces gens qui sont heureux. Pourquoi ne suis-je pas gaie ?

C’est qu’il n’y a pas ceci ou cela, il n’y a pas le bonheur, il n’y à pas l’amour, il y a /a vie. Et la vie c’était moi. Ne jamais être atteinte de si près, O gaieté bienheureuse, vous n’êtes que bruit, lumière et mouvement !

Je ne peux pas écrire littérairement de la fiction, parce que je ne peux pas me quitter. x

Des levers de lune si froids ! Un violet impérial d’Extrême- Orient et le zénith verdi comme un vieil ivoire, le glaçon lu- naire dérivait là-dessus, informe, bossué. '