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ANNÉE 1900

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Grande marée. Plage remplie comme une coupe. La grande plaine vide pousse en avant sa tranquillité, la baie est plus en ordre. La mer atteint le pourtour, le bourrelet de sable, la plage et l’eau sont hermétiquement jointes, et les grandes pro- fondeurs semblent tout contre, comme à bord, la dune un pont de vaisseau. Pas de lames, le vent pèse là-dessus. De lents festons glissent de côté, largement, régulièrement, passent de- vant vous, l’un après l’autre, comme un courant de rivière.

Mercredi 15 août,

Ils subordonnent toujours l’intelligence au cœur. O entête- ment ! Mes observations sont faites : sans raffinement de lettré, point de délicatesse. S’ils savaient comme ils me choquent sou- vent avec tout leur cœur ! Oui, comme ils choquent mes sen- timents sincères et profonds.

Ce n’est pas la religion de la responsabilité ou de la volonté qui me rend laborieuse la conception, ou plutôt l’imagination du déterminisme, mais un si profond sentiment d’indifférence ! Vraiment les morts se taisent trop en moi. Mon atavisme ne m’a pas assez déterminée, il me laisse souvent dans l’embarras.

D’ailleurs le déterminisme doit pouvoir amener des libertés accidentelles. Les hérédités finissent par tant se croiser et s’annuler.… À force d’avoir été déterminée dans tous les sens, notre volonté, venant de si loin, est peut-être plus consciente et plus avertie, plus avantageuse qu’elle ne le serait dans le libre arbitre.

Lundi 20 août.

La tristesse m’ennuie. Je me suis réveillée ce matin ne com- prenant pas encore la nécessité de vivre. Cela agit sur les facultés locomotrices, la paralysie me prend au milieu d’un mouvement.