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ANNÉE 1902

ANNÉE 1902. 267

13 octobre.

En écrivant, en parlant, autant jusqu’ici j’avais la pudeur du lieu commun jusqu’à opter avant de dire bonjour ou Dieu vous bénisse, autant maintenant je me garde et me réserve. Je travaille à me banaliser, je m’enchâsse dans la banalité.

Et nullement par dépit ou dédain, par raffinement. J’y suis arrivée de cette manière : un mot de Mne Kergomard, refus

d’invitation, dix lignes, relations nullement intimes, avec l’aspect guilleret de l’esprit qu’on veut faire, m’avait déplu. D’impeccables formules de politesse m’auraient bien plus ren- seignée sur la qualité de la dame. C’est misérable de faire son métier de bel esprit à toute réquisition, il faut mépriser les petits bénéfices. Ah ! le grandiose, le délicieux bon ton que les aristocrates inventèrent.. que d’esprit il fallut y dépenser !

O intellectuels prenez garde, car tout d’un lieutenant de cavalerie, tout, geste, allure, parole et silence, tout, excepté le cerveau, est plus intelligent, plus raffiné que chez vous !

L’authenticité est le seul pittoresque. Savoir s’entourer des choses présentes,

16 octobre.

J’ai passé trois quarts d’heure à la mansarde, ayant trouvé dans la caisse d’incendie des papiers que je ne pouvais plus quitter. La correspondance du « Consul de France aux Iles Canaries, Ste-Croix de Ténériffe, Baron Chassériäu » qui a veillé la dernière nuit de mon père. C’est sur grand papier de chancellerie, doré sur tranches.

Mon père ne se voyait pas mourir, dit-il. Allons donc ! Après « une longue confession ! » ayant parlé d’objets « à remettre à Marie ! » et regardé mon portrait de toute petite fille d’un

1, Mer Lenéru.