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282 JOURNAL DE MARIE LENÉRU

tine. Je cours après le succès comme je chercherais mon mou- choir, Au fond, je ne suis pas une nature abstraite,

Ces gens qui sont très touchés quand on reconnaît ses torts et ceux qui font les beaux en s’inclinant à la discussion, ils ne savent ni les uns ni les autres qu’on n’a jamais tort, car il y a toujours une raison pour. laquelle on fait ce qu’on fait. Se dérober par les concessions est donc une manière très utile de classer un malentendu, mais en l’embrouillant cent fois plus, non seulement en sacrifiant toutes ses chances d’éclaircisse- ment, mais aussi les droits d’autrui à n’être point dupé,

Dieu me préserve de l’insolence de qui me cède.

J’énonçais : J’aimerais mieux m’être trompée sur la fidélité de mon mari que sur ses facultés et sa valeur en soi. Fernande était merveilleusement de mon avis. Maman disait : Vous êtes

. dégoûtantes !

13 février.

J’ai encore dû défendre l’ambition. Comme les hommes ont Su s’arranger pour, au moins dans l’opinion, ne pas souffrir de leur bassesse ! Je me suis énervée : il n’y a de beau que l’acti- vité. Toute passion, et même tout vice qui fait rendre aux hommes plus qu’ils n’ont l’habitude de donner, est une pas- sion exaltante et noble par conséquent.

Il est monté dans le métropolitain un homme admirable, portant la livrée de l’homme chic sans aucune de ses attitudes et une lourde serviette dans ses gants gris. Je me suis épuisée en Suppositions. Un ministre, ou à peu près, n’irait pas en omnibus. Un cabot ? (Station Palais-Royal.) Il y avait des

’ moustaches et puis la mine. Un auteur venant de faire répéter Sa pièce ? Un conférencier ? Seraient en voiture et pas seuls. Je penche pourtant pour l’auteur, car le faciès était d’un intel- lectuel en état de violence intérieure. Ce regard absorbé, vio-