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338 JOURNAL DE MARIE LENERU

On me demande de la simplicité. Les originalités profondes sont prises d’abord pour de la complication, les hommes sont si paresseux dès qu’on les emmène là où ils n’ont pas l’habitude de se promener. La simplicité appelle un chat un chat, et un ornithorynque un ornithorynque. Toute justesse est simple. Ce sont les précis Pascal et Barrès qui sont simples, et les prolixes Montaigne et Bourget qui ne le sont pas. Mais le peuple, qui n’est pas simple, entend poser les lois de la simplicité.

5 juin TIOII.

Écrire pour pleurer et pour sangloter, à quoi bon ? Rien n’est plus mauvais et qu’est-ce que cela m’apprendrait ? C’est mon état normal. On ne pleure que devant quelqu’un, mais avoir en dedans, toujours, le frisson des larmes…

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Jamais un de mes confrères n’a été si absent de sa vie d’écri- vain, si étranger, si fermé à ses joies, à ses attentes. Que me fait un moment après lequel je retomberai ? Ce qui importe, c’est le quotidien, c’est le continu, ne pas s’enmuwyer à table, ne pas sortir seule pendant 15 ans, avoir des amis autour de soi, dans une maison à soi, pouvoir rire et causer à toute heure du jour avec des gens de même culture, dont les regards vous répondent, la maison gaie, intime, intelligente, notre maison de Brest autrefois.

Paris, 4 novembre 1911.

Je passe mes journées chez les fournisseurs et dans les maga- sins et, bien que j’aime les jolies choses et pense que, là comme ailleurs, il faut chercher la perfection, je retrouve chaque soir le scrupule et le dégoût de cette vie, comme au temps où j’étais fille de sainte Thérèse,

Comme il faut se défendre pour être à soi, à la vraie vie