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ANNÉE 1914

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tion-là. Moi-même, en l’écrivant, je n’y pensais pas du tout. Et il importe extrêmement à ma pièce qu’elle ne contienne pas de définitions et d’explications d’elle-même. Elle doit se suffire. S’il me faut la souligner de légendes : « Ici, il y a une forêt », elle est ratée. Il ne faut pas une phrase qui tire auteur et personnage de son côté. — « Mais, direz-vous, on ne compren- dra pas ».… Mais, je vous prie, que voulez-vous comprendre ? Il n’y a pas de « mot », ma pièce n’est pas une charade. Je vous raconte une histoire qui se tient bien, je parle en bon français, voilà toute la clarté que je vous dois. Ce que je pense de l’af- faire cela ne vous regarde pas. Je ne l’ai dit nulle part, et c’est ce qui vous déroute. — Je crée une atmosphère : réagissez comme vous voudrez, ou plutôt, comme vous pourrez, Une œuvre profonde n’est pas un problème à résoudre, ni peut-être même à poser, et croyez-moi, la pièce n’est pas plus obscure que le soleil, si ce n’est dans les raisons dernières de ses fins, que son auteur ne vous a pas dites, et qui n’empêchent pas le soleil de briller. — Oui, mais quand vous m’expliquez je com- prends. — Très bon cela, mais rappelez-vous que la lunette doit être braquée du dehors, et que ce n’est pas au soleil à grossir ses effets et à se répandre en discours pour se faire mieux voir et entendre, L’œuvre doit être au point de son au- teur. Si l’on faisait le point de Chaque spectateur, ses voisins ne seraient jamais contents, et la pièce deviendrait amorphe et caméléonesque, en même temps qu’interminable. Un auteur qui a entendu juger son œuvre en sait quelque chose. Il n’y a pas de « consentement universel ». I1 faut avoir le courage de se livrer, de donner prise, on ne peut faire face à tout que dans de très étroites limites. Je sais parfaitement que les phrases qui méconnaissent mes héros, par lesquelles je les fais juger d’un niveau inférieur seront prises au pied de la lettre. Et parce. que Denise a dit : « Ma mère est trop personnelle » ma pauvre Triomphatrice est jugée par mes plus bienveillants amis : « une hypertrophie du moi ». Alors que le reproche qu’on devrait m’adresser est de l’avoir faite trop grande et trop magnanime, cette femme qui méprise si passionnément sa gloire et qui, dans