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ANNÉE 1915

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ne trompe pas, celle de la douleur et de l’amour humains.

Que je comprends vos regards vers l’avenir ! Iln’est pas vrai que la guerre soit une école d’ascétisme. Je crois que plus près de la mort, nous apprenons à ne rien mépriser de la vie. Je ne suis pas, hélas ! un soldat, mais je sais bien que la guerre m’a guérie de beaucoup de dédains.

28 décembre 1915.

A Marx : Ils sont tellement ignorants de ces questions de guerre et paix — parce qu’au fond si peu passionnés par elles ! — qu’ils s’imaginent vraiment qu’être pacifiste c’est, #50 : facto, Être désarmiste, sentimental et nigaud.

A H… : Tête et cœur, nous sommes trop faibles, nous ne tirerons jamais de notre révolte le « maudissement » qu’il faudrait.

A M… : Je suis si peu « écrivain » — puisque c’est la pire : injure entre écrivains ! — Je ne goûte que les sentiments qui vont de la personne à la personne. Si j’ai voulu du talent, c’est pour être aimée à travers mes œuvres et pas du tout pour elles.

A Rachilde : Que l’horrible chose continue, je peux l’accer- ter, car j’en comprends la nécessité implacable et je suis de race militaire, mais que les intelligences, les cœurs et les volon- tés ne réagissent pas éperdument pour en sauver l’avenir, qu’ils ne bondissent pas sous l’absurde, c’est peut-être ce qui m’aura. le plus édifiée sur l’inertie humaine.