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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

Il ne faut pas non plus que j’oublie de dire que Fernande va beaucoup mieux ; nous en sommes tous bien contents.


Brutul. Lorient, samedi 20 août.

Je dois avouer que si je suis venue faire mon journal, c’est que maman m’y a obligée, car je n’étais pas du tout disposée à le faire ; je jouais au croquet, seule, il est vrai, mais je m’amusais beaucoup et l’idée de le quitter ne me réjouissait guère ; enfin, puisque maintenant j’y suis, ce que j’ai de mieux à faire c’est de ne pas le bâcler.

Nous sommes donc parties le mardi matin à 10 heures. Alexandrine est venue nous conduire et Tonton nous a rejoints à la gare. Mme de P. et sa fille partaient aussi ; je crois qu’elles changeaient de résidence, car elles avaient six malles et trois ou quatre colis, le renouvellement du Voyage de M. Perrichon. Nous avons fait le trajet jusqu’à Kerhuon ; nous avons changé de train à Landerneau ; nous étions dans le même compartiment qu’un monsieur et une dame qui bien des fois m’ont donné envie de rire ; ils faisaient un voyage d’agrément pour visiter le pays, ils prenaient des notes et comme il n’y avait qu’un crayon, ils s’en servaient chacun à leur tour. Le monsieur était obèse et la dame n’était pas à plaindre. En s’asseyant, elle avait, relevé sa robe presque jusqu’aux genoux en sorte que j’ai pu bien juger de son embonpoint ; à un moment, j’ai cru qu’ils allaient se disputer ; malheureusement, ils se sont tus ; ça m’aurait tellement amusée de les entendre… La dame, comme son de voix et comme manière de porter la tête m’a un peu rappelé Mme Buz… mais en plus mal ; puis le monsieur a mangé du pain et de la galantine truffée dans des petites assiettes de poupée, et la dame, une tarte aux mirabelles. Nous, nous étions les mieux partagées ; nous avions emporté des gâteaux, des pêches et du raisin.

À Quimper, il est monté un monsieur-tout parfumé et qui se peignait la moustache avec un peigne encore de poupée ; il était