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ANNÉE 1888

journal, d’abord parce que je suis paresseuse, ensuite parce que je n’aurai jamais assez de choses à dire, Je ne suis pas Marguerite, moi ; je ne vais pas à Bourbon, je reste bien tranquillement à Brest, me levant à 7 heures 1/4, flânant un peu en me lavant mal, je vais à mon piano, j’en fais vingt minutes ou une demi-heure, je reviens dans la salle à manger où Henriette travaille depuis que Tonton est parti ; je fais mes devoirs assez bien, j’apprends mes leçons avec mes éternelles bonnes femmes, et j’ai bien souvent une demi-heure en trop où au lieu de travailler et de faire mon journal, je m’amuse toujours avec mes bonnes femmes[1]. Enfin, nous descendons déjeuner non sans m’être impatientée avec Henriette, — (je deviens si peu patiente !). À table, nous voyons Madeleine, à laquelle nous avons appris quelques mots d’anglais ; puis il faut bien vite s’habiller pour aller au cours. Le lundi, le mercredi, le samedi, nous y allons à 17 heures, les autres jours, à midi ; alors, naturellement, les heures de déjeuner changent. Ce pauvre cours ! il m’ennuie bien ! moins pourtant depuis que nous sommes au rez-de-chaussée.

Mie Élisabeth est revenue et nous a rapporté des chapelets que le pape a touchés. Après le cours, je rentre travailler un peu, jouer un peu naturellement, en plus. J’en ai le temps, parce que je sors du cours à 2 heures et que je vais sur le Cours à 3 heures. Puis, je rentre à 5 heures et demie, je travaille ou je joue, c’est selon. Nous dinons à 6 heures et demie, après je lis. — (Tonton Albert d’Auriac m’a prêté La Semaine des Enfants). — Puis, je vais me coucher ; je fais ma prière à genoux, ce que je ne fais pas le matin, je n’ai même le temps de faire qu’un signe de croix, puis je m’endors.

Tante est toujours malade ; c’est bien triste. Je copie tou-

Le jeu que Marie préférait à tout autre, et dans lequel il semble que se révéla tout d’abord sa vocation d’auteur dramatique, consistait à détacher dans de vieux journaux de mode — Journal des Demoiselles par exemple — des figures isolées, qu’elle baptisait de prénoms romantiques. Elle les dis- posait sur la table, les prenait à tour de rôle, s’absorbant en d’interminables dialogues muets.