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quoique moins sensible, suivit les grands événemens des XIIe et XIIIe siècles, et les négociations qui en furent la conséquence. Ce mélange d’hommes de toute race produisit son effet ordinaire. Le cercle des opinions fut agrandi, des préjugés furent effacés, et beaucoup d’erreurs disparurent. On eut une notion plus juste de la forme et de l’étendue des contrées orientales de l’ancien continent : on commença à compter pour quelque chose la plus belle, la plus peuplée, la plus anciennement civilisée des quatre parties du monde : om songea à étudier les arts, les croyances, les idiomes des peuples qui l’habitaient, et il fut même question d’établir une chaire de langue tartare, dans l’université de Paris. On serait embarrassé de supputer ce qu’entraînerait de conséquences une seule idée, retranchée du domaine actuel de l’esprit humain. Qu’on se transporte au XIIIe siècle, et qu’on juge, s’il est possible, de ce qu’eussent été les siècles suivans, privés de cette masse imposante d’idées nouvelles, qu’introduisit tout à coup en Europe le commerce de l’Asie orientale, en fait d’histoire et de géographie, d’opinions religieuses et politiques, de procédés scientifiques et industriels ! Si le résultat d’une pareille soustraction, comparé à la marche des époques précédentes du moyen âge, peut être évalué en temps, ce n’est pas trop d’assigner plusieurs siècles au développement spontané des connaissances que soixante années de communications firent éclore. L’ambition d’un conquérant servit donc, bien indépendamment de sa volonté, à éclairer les contrées où n’avaient