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Page:Journal asiatique, série 1, tome 3.djvu/139

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traits distinctifs de la littérature française, il est évident que les caractères inverses doivent appartenir à la littérature des peuples qui sont situés de l’autre côté du globe… Assurément les lecteurs qui conçoivent ainsi notre travail sont aussi précieux pour nous que les autres sont désespérans ; et l’on me dira sans doute qu’il faudrait être ennemi de soi-même pour se donner tant de peine à faire des traductions françaises, quand par là on est sûr de déplaire aux uns sans être certain de parvenir à contenter les autres.

Mais, quelle que soit la rigueur des préceptes auxquels je me suis soumis, je ne saurais les enfreindre volontairement avant d’avoir cessé de croire à leur bonté. Jusque-là je m’efforcerai d’écrire en français des versions fidèles ; je tendrai sans cesse, quoique avec la certitude douloureuse de rester bien loin du but, vers cette double perfection dont on verra bientôt un modèle dans la traduction si impatiemment attendue du roman des Deux Cousines ; par M. Abel-Rémusat. Toutefois, je préviens les lecteurs en général que, s’ils ne doivent pas s’attendre à trouver toujours dans ma version la valeur rigoureuse des phrases dont le génie de notre langue repousserait la traduction verbale, ils peuvent compter du moins que je ne substituerai jamais sciemment à un passage intraduisible des choses qui ne pourraient pas entrer dans le cercle des conceptions chinoises.