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QUELQUES TERMES TECHNIQUES BOUDDHIQUES.

On se demandera peut-être, en examinant les files de mots turcs que nous citons comme ayant passé au grec, si nous n’en avons pas allongé la liste à plaisir. Notre réponse est que ces mots d’emprunt ne sont pas tous d’un usage également étendu parmi les Rouméliotes. Les uns ont le privilège d’être seuls employés par ces derniers[1] : nous les avons marqués d’un astérique[2]. On constatera qu’ils sont encore assez nombreux ; parmi eux, les noms abstraits[3] et les noms de profession occupent une place très importante[4]. D’autres mots turcs sont employés concurremment avec des synonymes d’origine grecque ou étrangère : nous signalons la plupart de ces derniers, avec les différences de nuances qui peuvent les caractériser. Plusieurs termes enfin sont d’un usage plus rare, plus local (Andrinople ou environs), ou plus exceptionnel, comme la catégorie de mots et expressions qu’un Grec n’emploie qu’avec une pointe d’ironie, pour imiter ou contrefaire

  1. Quand nous disons Grecs, Thraces ou Rouméliotes, nous entendons aussi généraiement les Levantins ; le lecteur sera averti toutes les fois qu’il y aura entre eux des divergences notables. Nous faisons cependant remarquer, une fois pour toutes, que le Levantin est plus porté à employer des mots d’origine turque ; car le Grec, à raison de sa langue liturgique et politique, est tout naturellement en possession d’un vocabulaire hellénique plus étendu. Autre circonstance aggravante pour le parler des Levantins : c’est leur grande propension à gréciser des mots d’origine italienne, française, etc. : d’où il suit finalement que le grec de Roumélie, très pauvre et très corrompu par lui-même, l’est encore davantage sur les lèvres d’un Levantin : c’est vraiment un jargon, dans toute la force du terme.
  2. Parfois l’astérisque n’affecte qu’une des signilications du mot emprunté.
  3. Souvent le nom abstrait d’origine grecque existe parfaitement et serait d’un usage commode ; le Rouméliote lui préfère cependant l’abstrait turc (à désinence turque hellénisée), même quand pour le concret correspondant il a recours à un terme grec ou d’origine franque ; p. ex. : ἀβο(υ)κάτους « avocat » aurait pu devenir ἀβο(υ)κατει « profession d’avocat ». Nos Rouméliotes lui préfèrent ἀβο(υ)κατλýκι. La désinence turque لق, grécisée en λίκι ou λýκι suivant les règles de l’euphonie turque, lui sert admirablement à cette fin.
  4. Les substantifs en ǵὴς (جی) pour les artisans, marchands, etc. sont légion. Nous n’avons tenu à citer que ceux dont la première partie est turque : šεκεπǵὴς « confiseur » ; σuπuπguεǵὴς « marchand de balais », etc.