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Page:Journal asiatique, série 11, tome 5.djvu/20

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JANVIER-FÉVRIER 1915.

Peut-on obtenir plus de précision ? Il me semble que oui, si on interprète un autre passage des Épîtres, comme une allusion au nom de l’imâm fatimide vivant au temps de leur rédaction. La doctrine fatimide se trouvait en opposition avec celle des Chi’ites dits Duodécimains parce qu’ils affirment qu’après le douzième imâm il n’y en a plus d’autre. Le douzième et dernier a disparu vers le milieu du IIIe siècle de l’Hégire, mais il n’est pas mort, et il attend la fin du monde pour apparaître en sa qualité de Mahdî. De là le nom d’imâm attendu, الامام المنتظر, qui lui est donné. Il est arrivé un moment dans l’histoire des Fatimides d’Égypte (524-526) où l’autorité de l’imâm fatimide a été rejetée et c’est l’imâm attendu qui a été proclamé dans la khouṭbat et la sikkat[1]. Ceci montre que, parmi les Chi’ites imamites, il y avait antagonisme entre les partisans de l’imâm attendu ou caché et ceux d’un imâm régnant ou connu. Le passage des Épîtres dont je parle indique cet antagonisme de manière à apporter une preuve de plus, si elle était nécessaire, du fatimisme des Ikhwân aṣ Ṣafâ. Il est ainsi conçu : ومن لاشيعة ....من يقول ان الامام المنتظر مختفى من جوف المجافين ، كلا بل هو ظاهر بين ظهرانيـهـم يعرفهم وهم اه منكـرون[2].

« Parmi les Chi‘ites .... il en est qui disent que l’imâm attendu est caché par crainte des hérétiques. Pas du tout, mais il est apparent, au milieu d’eux ; il les connaît alors qu’ils le nient. » Le terme ظاهر que j’ai traduit par apparent me paraît ici amené par un jeu de mots sur le nom même de l’imâm fatimide qui régnait de 411 à 427, c’est-à-dire à une époque

  1. La monnaie frappée en Égypte à son nom est connue par d’assez nombreux exemplaires. Voir Lavoix, Catalogue des monnaies musulmanes de la Bibliothèque nationale (Paris, 1896), p. 163-164, no 439) ; on y trouvera la bibliographie de cette pièce curieuse.
  2. Éd. de Bombay, IV, 196, init.