Aller au contenu

Page:Journal asiatique, série 11, tome 5.djvu/27

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
23
LE CATALOGUE DES YAKṢA DANS LA MAHĀMĀYŪRĪ.

noises ; ii a en même temps annoncé son intention de donner une étude comparative et critique du texte entier. Pour ma part, je me bornerai à étudier la liste des Yakṣa protecteurs de cités (0.231-234). Le morceau me paraît en valoir la peine ; je ne connais pas dans la littérature sanscrite de nomenclature géographique aussi riche de noms ; pour en avoir l’équivalent, il faudrait chercher en dehors de l’Inde, dans les Tables de Ptolémée. Celte nomenclature nous est parvenue dans des conditions de préservation exceptionnelles. L’ignorance et la négligence des scribes risquent en général d’altérer gravement la physionomie des noms propres ; mais ici, la comparaison des versions chinoises et de la version tibétaine nous permet d’atteindre le texte tel qu’il était lu au viiie, au viie et même au vie siècle de l’ère chrétienne. Nous aurons à déterminer si cette liste est fantaisiste ou réelle, traditionnelle ou positive. À force de se mouvoir dans un monde imaginaire, la littérature sanscrite finit par nous faire perdre de vue les rares réalités qu’elle puisse contenir ; la géographie de nos textes paraît stéréotypée, comme les figures des personnages. À regarder de près, l’illusion se dissipe. Des désignations consacrées se maintiennent à travers toute la littérature, comme elles se sont maintenues à travers les siècles ; mais côte à côte avec ces désignations, des noms fugitifs surgissent, brillent et disparaissent tour à tour. Le phénomène est même plus intense dans l’Inde que partout ailleurs ; l’Inde est en politique comme en philosophie le pays du « momentané » ; des accidents brusques de la nature ou de l’histoire, tels que le caprice d’un cours d’eau ou d’une individualité, font pour un instant d’une humble bourgade une capitale illustre, ou d’une ancienne capitale une jungle impénétrable. Il suffira de citer pour le passé lointain la cité royale de Bimbisāra, Râjagṛha, chère au Bouddha, aujourd’hui ensevelie sous la forêt dans son cirque de montagnes, et près de nous Vijayanagara dont la splendeur