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Page:Journal asiatique, série 11, tome 5.djvu/572

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MAI-JUIN 1915.

vons, elle est entièrement transformée : c’est l’hébreu carré, à peu de chose près tel que nous l’écrivons encore aujourd’hui[1] ; c’est l’écriture qui est désignée par le nom d’aschourith. Suivant un très précieux passage de Flavius Josèphe[2], les manuscrits de la Bible proposés à Ptolémée Philadelphe (IIIe siècle avant J.-C.) étaient écrits en caractères carrés, ressemblant à ceux de l’écriture syrienne.

Quant à la tradition, signalée par M. de Vogüé, attribuant à Esdras la substitution de l’écriture carrée (cursive) à l’écriture (angulaire) archaïque, elle est consignée dans le Talmud Babli (Sanhédrin, 21 a) dans les termes suivants :


« À l’origine, la loi (תורה) a été donnée aux Israélites dans l’écriture hébraïque et dans la langue sacrée. Au temps d’Esdras, elle leur fut renouvelée dans l’écriture aschourith (כתב אשורית) et dans la langue araméenne. Les Israélites ont alors adopté l’écriture aschourith et la langue sacrée, en abandonnant aux profanes (הדיוטות) l’écriture hébraïque et la langue araméenne.

« Qui sont les profanes ? — Rép. : Les Couthéens (כותים).

« Qu’est-ce que c’est que l’écriture hébraïque ? — Rép. : L’écriture libonaée (כתב ליבונאה). »


On a généralement traduit quetab aschourith par « écriture assyrienne », ce qui paraît d’autant plus étrange que ceux qui avaient adopté cette écriture n’étaient point les descendants des dix tribus d’Israël que Sanhérib avait emmenés en exil en Assyrie, mais bien les anciens habitants de Judée qui, au temps d’Esdras, étaient de retour de captivité en Babylonie, d’où ils avaient sans doute rapporté l’usage de l’écriture araméenne[3]. Nous sommes d’avis que le mot aschourith (אשורית) est le fait d’un lapsus calami de quelque copiste, et qu’il y avait à l’origine le mot sourith (סורית), avec un sameh au lieu d’un schin, ce qui veut dire « l’écriture syrienne », d’accord avec l’expression de Flavius Josèphe dans le passage cité plus haut. D’ailleurs, la confusion, dans la pronon-

  1. Ph. Berger, Histoire de l’écriture dans l’antiquité, p. 196.
  2. Le passage de Flavius Josèphe (Antiquités judaïques, XII, ii, 1) signale, en parlant des manuscrits juifs, que leurs lettres ressemblent aux caractères des Syriens (Σύρων) », c’est-à-dire de l’écriture araméenne (voir la nouvelle édition française de M. Th. Reinach, t. III, p. 59).
  3. Le Talmud jérusalémite (Meghila, I, 11) donne sur le terme quetab aschourith plusieurs explications assez embarrassées.